1. Bernadette à Lourdes : de 1844 à 1858.
Bernadette est née à Lourdes le 7 janvier 1844 de Louise CASTEROT et François SOUBIROUS. Elle est l’aînée de 9 enfants dont 4 seulement vivront. Les parents de Bernadette se sont choisis et se sont mariés parce qu’ils s’aimaient. Cet amour sera plus tenace que la misère et les aidera à toujours rester unis. Jusqu’à la fin de sa vie, Bernadette sera sensible à cet amour familial.
De ses parents, elle recevra le témoignage
- d’une vie où l’amour a la première place,
- d’une vie où l’on donne et se donne sans compter,
- d’une vie où la prière est régulière, simple et sincère.
Durant les 10 premières années de sa vie, Bernadette vivra au Moulin de Boly que loue son père. Elle l’appellera « le moulin du Bonheur » car elle y a été très heureuse. A sa naissance, l’avenir de Bernadette n’est pas si noir. Sa famille fait partie de cette classe intermédiaire des artisans et des commerçants, sans doute pas fortunée, mais qui connaît une certaine aisance.
Peu après sa naissance, Bernadette est envoyée pendant 18 mois chez une nourrice à Bartrès, Marie LAGÜES qui vient de perdre son petit Jean, car Louise s’étant brûlée la poitrine ne peut plus la nourrir.
A partir de 1854 les affaires vont mal. L’accident de François qui lui fait perdre un œil, sa générosité trop grande vis-à-vis de certains de ses clients, la concurrence avec les moulins industriels de la région, la sécheresse de 1856 qui oblige l’état à une distribution de farine, la gestion parfois un peu hasardeuse de ses comptes, les emprunts qu’il ne peut plus rembourser et qui obligent à vendre les meubles, l’errance de domicile en domicile, chaque fois moins cher, chaque fois plus petit (11 fois en 4 ans !), conduisent François et sa famille à une longue dégringolade sociale comme bien des familles aujourd’hui la connaissent.
C’est ainsi que se retrouvant à la rue en mai 1856, François, Louise et leurs 4 enfants, sont recueillis par le cousin André SAJOUS, rue des Petits-Fossés, qui leur laisse l’accès à une pièce délabrée de 16 m2 au rez-de-chaussée de sa maison, comprenant tout juste une cheminée et un petit évier. Les fenêtres donnaient sur une petite cour intérieure où s’accumulait le fumier. Il s’agissait d’une ancienne prison désaffectée appelée « le Cachot », « ce bouge infâme et sombre où aucun être humain ne pourrait habiter », selon les mots mêmes du commissaire Jacomet.
Dans ce contexte et malgré sa santé précaire, (Bernadette souffrait d’asthme suite à un choléra qui avait sévi dans la région quelques années auparavant), Bernadette, gaie, espiègle, de caractère bien trempé, à l’humour communicatif, à la volonté déterminée, entend ne pas rester à ne rien faire et cherche à se rendre utile. Elle garde ses frères et sœur pendant que Louise lave le linge des autres, parfois elle travaille comme serveuse dans le café de sa tante Bernarde, elle va chercher du bois mort sur le bord du Gave pour faire du feu et recherche des os à vendre pour obtenir quelques piécettes afin d’acheter éventuellement un peu de pain.
Entre son rôle d’aînée qui doit assumer la maison et ses problèmes de santé, plus question pour elle d’aller régulièrement à l’école. A 14 ans, Bernadette fait partie des 50 % d’enfants qui en France ne savent ni lire ni écrire. Elle ne connaît pas le français, ne parle que le patois bigourdan et ne peut donc pas faire sa première communion. En effet pour pouvoir faire sa Première Communion, il fallait, au catéchisme, réussir un examen de questions-réponses en français, langue dans laquelle était dispensé le catéchisme. Il lui faut donc renoncer à ce désir si profond.
2. Bernadette à Lourdes : les apparitions de 1858.
C’est pourtant bien cette soif de faire sa Première Communion qui, en janvier 1858, va pousser Bernadette à quitter Bartrès où elle vient de passer 6 mois pour se refaire une santé et rendre service à sa nourrice en gardant les moutons. Elle sait qu’elle va retrouver le froid et l’humidité du Cachot ainsi que ses crises d’asthme, mais c’est là dans ce quotidien bien banal et ordinaire, que va surgir l’inattendu dans la vie de Bernadette.
Le jeudi 11 février, accompagnée de sa soeur et d’une amie, Bernadette se rend à Massabielle, le long du Gave, pour ramasser des os et du bois mort. Enlevant ses bas pour traverser le ruisseau, elle entend un bruit qui ressemblait à un coup de vent, elle lève la tête vers la Grotte : "j’aperçus une Dame vêtue de blanc : elle portait une robe blanche, un voile blanc également, une ceinture bleue et une rose jaune sur chaque pied. " Elle fait le signe de la Croix et récite le chapelet avec la Dame qui ne dit mot. La prière terminée, la Dame disparaît brusquement.
Le dimanche 14, Bernadette retourne à la Grotte ; après la première dizaine de chapelet, elle voit apparaître la même Dame. Elle lui jette de l’eau bénite en adjurant « si elle vient de la part de Dieu de rester, sinon de s’en aller ». La Dame sourit et incline la tête. La prière du chapelet terminée, elle disparaît…
Le jeudi 18 février, accompagnée de deux personnes, Bernadette tend à la Dame un écritoire et une plume pour qu’elle y inscrive son nom. Pour toute réponse la Dame « s’est mise à rire ». Elle dit à Bernadette : « Je ne vous promets pas d’être heureuse en ce monde mais dans l’autre » puis elle lui demande : « Voulez-vous me faire la grâce de venir ici pendant quinze jours ? ».
Le vendredi 19, l’apparition est brève et silencieuse. Bernadette vient à la Grotte avec un cierge béni et allumé. C’est de ce geste qu’est née la coutume de porter des cierges et de les allumer devant la Grotte.
Le samedi 20 février, l’apparition se fait dans le silence. La Dame apprend à Bernadette une prière personnelle.
Le dimanche 21, la foule est de plus en plus nombreuse à suivre Bernadette.
Le mardi 23 février, la Dame lui révèle un secret « rien que pour elle. »
Le mercredi 24 février, le message de la Dame demande : « Pénitence ! Pénitence ! Pénitence ! Priez pour les pécheurs ! Allez baiser la terre en pénitence pour les pécheurs ! »
Le jeudi 25 février, Bernadette raconte :« Elle me dit d’aller boire à la source… Je ne trouvai qu’un peu d’eau vaseuse. Au 4ème essai, je pus boire. Elle me fit également manger une herbe qui se trouvait près de la fontaine puis la vision disparut et je m’en allai. » Devant la foule qui lui demande : « Sais-tu qu’on te croit folle de faire des choses pareilles ? »Elle répond seulement : « C’est pour les pécheurs. »
Le samedi 27 février, l’Apparition est silencieuse. Bernadette boit l’eau de la source et accomplit les gestes habituels de pénitence… la foule aussi.
Le dimanche 28 février, Bernadette prie, baise la terre et rampe sur les genoux en signe de pénitence. Elle est ensuite emmenée chez le juge qui la menace de prison. Mais comme dira le juge au commissaire après cet interrogatoire infructueux :« Que voulez-vous y faire ? Nous n’avons rien à y mordre avec elle. »
Le lundi 1er mars, dans la nuit, Catherine Latapie, se rend à la Grotte, trempe son bras déboîté dans l’eau de la Source : son bras et sa main retrouvent leur souplesse. C’est le premier miracle de Lourdes.
Le mardi 2 mars, la Dame confie un message à Bernadette : « Allez dire aux prêtres qu’on construise ici une chapelle et qu’on y vienne en procession ». Elle court trouver Monsieur le Curé Peyramale au presbytère, accompagnée de deux tantes car elle le craint un peu. « Si la Dame veut une chapelle qu’elle fasse fleurir l’églantier qui est à la Grotte ! » lui dit-il. Bernadette, elle, se rassure : « j’ai fait ma commission ! ».
Le mercredi 3 mars, elle se rend à la Grotte et redemande son nom à la Dame. La réponse est encore un sourire.
Le jeudi 4 mars, le silence de Bernadette est respecté. Elle entraîne, sans rien dire, hommes et femmes dans sa prière et la Grotte se transforme en école de prière. La maîtresse d’école est la sainte Vierge mais tous n’ont qu’à regarder sa meilleure élève, Bernadette, pour se laisser instruire.
Pendant 20 jours, Bernadette ne va plus se rendre à la Grotte, elle n’en ressent plus l’irrésistible invitation.
Le jeudi 25 mars, la vision révèle enfin son nom. Bernadette raconte :« Elle leva les yeux aux ciel, joignant en signe de prière ses mains qui étaient tendues et ouvertes vers la terre, et me dit : ‘Que soy era immaculada councepciou » (« Je suis l’Immaculée Conception »). Elle court alors chez le Curé Peyramale, et répète sans cesse , sur le chemin, ces mots qu’elle ne comprend pas. Elle ignorait cette expression théologique qui désigne la sainte Vierge. Quatre ans plus tôt, en 1854, le Pape Pie IX en avait fait une vérité de la foi catholique (un dogme).
Le mercredi 7 avril, pendant cette apparition, Bernadette tient son cierge allumé. La flamme entoure longuement sa main gauche sans la brûler. Ce fait est immédiatement constaté par un médecin présent dans la foule.
Le jeudi 16 juillet, Bernadette ressent le mystérieux appel de la Grotte, mais son accès est interdit : elle est fermée par une palissade. Elle se rend donc en face, de l’autre côté du Gave. « Il me semblait que j’étais devant la Grotte, à la même distance que les autres fois, je voyais seulement la Vierge, jamais je ne l’ai vue aussi belle ! » Ce sera la dernière apparition.
Par ces 18 rencontres Bernadette découvre peu à peu que sa vie est précieuse, qu’elle a du poids et qu’elle compte aux yeux de Dieu. Elle fait l’expérience de la rencontre avec un Dieu plein de tendresse, un Dieu qui s’intéresse à ceux que le monde exclut.
Bernadette avait soif de cette connaissance du Père, puisqu’elle avait demandé à ses parents de faire sa Première Communion. Quand elle était à Bartrès
durant l’été et l’automne 1857, son ancienne nourrice était sensée lui apprendre le catéchisme. Il semble que ses talents pédagogiques aient été assez faibles car elle n’arrive pas à lui faire apprendre la moindre bribe de catéchisme. Bernadette arrive donc à persuader ses parents de revenir à Lourdes, ce qu’elle fait début janvier. Elle commence à fréquenter la dernière classe, chez les sœurs, pour les filles indigentes. A dire vrai, ses progrès en catéchisme sont quasi nuls. Mais le curé Peyramale est obligé de se rendre à l’évidence : « cette enfant est instruite par la Vierge elle-même. » Bernadette fait donc sa Première Communion le 3 juin 1858, c’est-à-dire avant la dernière apparition, le 16 juillet).
3. Bernadette à Lourdes : de 1858 à 1860.
Pendant deux années elle va vivre au Cachot, mais elle doit répondre aux visiteurs, chez elle, au presbytère ou à l’hospice. Sœur Victorine raconte l’une de ces visites à l’hospice :
« Je l’ai vue pleurer à la porte, quand il y avait vingt personnes ou trente ou quarante dans le salon qui l’attendaient.. De grosses larmes venaient. Je lui disais : courage ! Elle essuyait ses yeux, entrait, faisait des saluts gracieux et répondait. Après quoi elle revenait à ses jeux ou à son travail comme si de rien n’était. » Toute sa vie à Lourdes, à l’hospice et à Nevers ensuite, elle vit vraiment comme une épreuve cette curiosité, ce harcèlement.
Elle va devoir aussi répondre aux interrogatoires, d’abord des autorités civiles, puis succèdent très vite les interrogatoires des autorités ecclésiastiques qui doivent se prononcer sur l’authenticité des apparitions.
Le 18 janvier 1862,Mgr Laurence promulguera le mandement reconnaissant les apparitions.
4. Bernadette à Lourdes : de 1860 à 1866.
En juillet 1860, elle entre à l’hospice des sœurs de la Charité de Nevers comme pensionnaire, dans la classe des indigents. Les sœurs y soignaient les malades qui n’avaient aucune ressource et dont personne ne voulait s’occuper. Elles faisaient également la classe aux petites filles pauvres de Lourdes afin de leur donner une éducation primaire.
C’est là que Bernadette est arrivée comme externe en janvier 1858 après son retour de Bartrès pour commencer à lire et à écrire et préparer sa Première Communion. On sait que sa présence y fut très irrégulière.
La date du 15 juillet 1860 ouvre pour Bernadette une nouvelle étape dans sa vie. Pour la première fois en effet, elle va faire une année scolaire normale, non sans peine, elle a 16 ans ½ et n’a pas été formée à ce type d’efforts. L’apprentissage est rude.
Pour ce qui concerne l’écriture : après l’époque des traits et des bâtons, vint le moment de former des lettres et d’écrire des mots. Ne nous étonnons pas que le premier mot choisi par Bernadette est celui de Marie
C’est à cette période qu’elle écrit elle-même le récit des apparitions en trois phases, la première correspondant aux apparitions silencieuses, la seconde commençant le 18 février et couvrant la quinzaine au cours de laquelle elle signale la découverte de l’eau et la demande de la chapelle, la troisième se rapportant au 25 mars, jour où la Dame donne son nom, cette dernière apparition étant pour Bernadette la signature du message.
Pour ce qui concerne l’oral : elle oublie tout au fur et à mesure. Le catéchisme n’avait pas plus de chance que les autres matières scolaires. Elle devait le trouver bien insipide après ce qu’elle avait vécu. Bernadette dit : « Je n’apprendrai jamais rien. Il faudrait que vous m’enfonciez le livre dans la tête. »
En fait, Bernadette est plus à l’aise dans les travaux manuels. Bernadette aime aussi beaucoup s’occuper des plus petites : « En récréation c’est un boute-en-train, toujours gaie, elle anime la ronde des petites classes, quoique vite essoufflée ».
Elle s’interroge avec sérieux sur les possibilités de réalisation de son désir de consacrer sa vie à Dieu et se heurte à deux obstacles : sa santé et sa pauvreté. D’un part, les crises d’asthme se succèdent et la tiennent souvent alitée. D’autre part, il n’est pas question de demander une dot à sa famille, ce qui était une pratique courante à l’époque pour entrer dans une congrégation.
En 1863, les sœurs de l’Hospice proposent à Bernadette de soigner les malades.
C’est pour elle une expérience décisive qui lui révèle son désir de suivre le Christ en servant ses frères pauvres et souffrants.
« J’aime beaucoup les pauvres. J’aime soigner les malades ; je resterai chez les sœurs de Nevers. On m’a donné un malade à soigner ; quand je suis bien, personne ne s’en occupe, que moi. Je resterai chez elles. »
En avril 1866, Bernadette écrit sa lettre de demande d’admission pour commencer le noviciat. Mais son départ à Nevers est retardé. Mgr Laurence lui demande d’attendre l’inauguration de la Crypte qui doit avoir lieu à la Pentecôte 1866.
Le matin du 4 juillet 1866, avec deux autres jeunes filles Bernadette quitte Lourdes, sa famille et sa chère grotte, pour un voyage en chemin de fer de quatre jours, par Tarbes, Bordeaux, et Périgueux.
Huit ans séparent les Apparitions et le départ pour Nevers.
Pour trouver son chemin, Bernadette a dû faire preuve de patience, prier, tenir compte de ses possibilités physiques, refuser ce qui ne convenait pas à son appel personnel, écouter des conseils de sagesse des uns et des autres, expérimenter la vie et les tâches de la communauté précise, et faire confiance au ministère de l’évêque qui l’a encouragée….
Sa vocation ne lui est pas apparue aussi lumineuse que la belle Dame. Mais elle n’en est pas moins authentique.
5. Bernadette à Nevers : de 1866 à 1879.
Bernadette arrive au soir du 7 juillet 1866 au couvent St Gildard à Nevers, dans le département de la Nièvre. C’est la maison-mère de la Congrégation et c’est là que sont envoyées pour un temps de formation qui dure un peu plus d’un an, toutes les jeunes filles qui ont demandé à entrer dans cette congrégation.
Le 8 juillet, le lendemain de son arrivée, il lui est demandé de faire, devant trois cents religieuses, le récit des apparitions –ce doit être la première et la dernière fois, on le lui a promis.
Laissant l’Esprit faire son oeuvre en elle, Bernadette « reproduit » dans une vie très ordinaire, le mystère de la charité du Christ. Elle se laisse rendre de plus en plus conforme à Jésus le Serviteur : « Jésus seul pour maître ». Elle prend le chemin du Serviteur sans gloire ni prestige : « Je suis venue ici pour me cacher. »
La vie quotidienne de Bernadette à Nevers est effectivement simple, ordinaire, monotone, obscure même.
Le 25 octobre 1866, Bernadette est si malade que Mgr Forcade lui fait prononcer ses vœux au cœur de la nuit et lui donne l’extrême-onction. Le lendemain, Bernadette est rétablie
Le 30 octobre 1867, un an plus tard, Bernadette fait profession.
Ses emplois dans la communauté :
- A l’infirmerie, Bernadette a d’abord été aide-infirmière, puis infirmière principale… avant d’être elle-même un pilier d’infirmerie, côté malade.
Elle a beaucoup de goût pour son métier d’infirmière. Son autorité naturelle, son humour, son conseil et son sens de l’initiative créent un bon climat dans l’infirmerie. Elle ne lésine pas à veiller ses sœurs malades, à se lever la nuit.
« Quand on soigne un malade, il faut se retirer avant de recevoir un remerciement. On est suffisamment récompensé par l’honneur de lui donner des soins. »
- On lui envoie des novices en difficulté : ses conseils, son énergie stimulante et sa simplicité font leur œuvre. Elle se révèle comme une ressource psychologique en même temps que spirituelle dans la maison. On peut noter aussi la très grande complicité avec ses compagnes.
Mais ses problèmes de santé sont par trop récurrents et graves. Le 30 octobre 1873 elle est définitivement déchargée de sa fonction d’infirmière, elle redevient simple aide-infirmière. Cet emploi est partagé plus tard avec celui d’aide sacristine.
Sur les treize années au couvent Saint-Gildard, il semble qu’il n’y en ait que deux où elle n’ait pas fait de longs séjours à l’infirmerie comme malade.
Les sœurs la visitent et sont unanimes à dire qu’elle ne s’appesantit pas sur ses souffrances, elle rassure tout le monde sur sa santé, l’évoquant à peine, sinon avec une pointe d’humour.
Pour tous ceux qui viennent la voir elle est une présence attentive, compatissante et stimulante. On la quitte plus fort et assuré, plus confiant qu’on est venu.
A partir du 11 décembre 1878, Bernadette s’alite définitivement.
Sans repliement sur elle-même, sans héroïsme particulier (« Cherchez donc dans vos drogues quelque chose pour me remonter ; je ne puis respirer tant je sens de faiblesse »), elle vit simplement ces heures douloureuses. Elle s’efforce néanmoins de n’être une gêne pour personne : « Je ne veux plus de cette sœur pour me veiller.. Je veux des sœurs qui dorment. »
Des souffrances, toujours….
Aucun « héroïsme » mal placé. Elle essaie simplement de vivre le moment présent, de rester attentive à celles qui l’entourent. Elle, pourtant si pauvre, se « simplifie » encore. Elle fait ôter de sa « chapelle blanche », c’est-à-dire du voile qui est au-dessus de son lit d’infirmerie, toutes les images qui y étaient installées ; elle ne conserve que son crucifix : « Celui-ci me suffit ».
En fin de matinée le 16 avril 1879, Bernadette demande à être levée. On la place dans un fauteuil à côté de la cheminée face à un Christ qu’elle ne cesse de fixer et vers qui elle tend ses bras : « Mon Jésus ! Oh que je l’aime ! »
Juste avant de mourir Bernadette unit sa prière à celle de ses sœurs présentes à l’infirmerie : « Sainte marie, mère de Dieu… » Bernadette répète : « Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour moi pauvre pécheresse, priez pour moi pauvre pécheresse… »
6. Bernadette, une sainte : sa béatification et sa canonisation.
Dès 1858, pour ceux qui croient à l’authenticité des Apparitions, Bernadette est une sainte, un ange, un être céleste. Mais à ceux qui lui disent qu’elle peut être tranquille pour son salut puisque la Dame l’a assurée qu’elle serait heureuse dans l’autre monde, Bernadette rétorque qu’elle ira au ciel, « oui, si je me le gagne. »
Il semble que l’ouverture d’un procès de béatification soit envisagée à partir de 1904, malgré la règle en vigueur à l’époque : attendre cinquante ans après la mort du serviteur ou de la servante de Dieu. L’enquête fut menée à Tarbes et à Nevers entre 1909 et 1919, le corps de Bernadette étant exhumé ces deux années-là et toujours trouvé intact.
Deux objections devaient être levées. Tout d’abord, le caractère de Bernadette qui reconnaît elle-même son orgueil et son entêtement. D’autre part, après les apparitions, la vie spirituelle de Bernadette n’a rien présenté d’extraordinaire, si ce n’est sa manière extraordinaire de vivre l’ordinaire, ce qui provoquait l’admiration des sœurs qui l’entouraient.
Les interrogatoires ont amené les témoins à répondre sur l’héroïcité des vertus pratiquées par Sœur Marie-Bernard. Sa foi au Christ Sauveur, son espérance du ciel, sa charité envers Dieu et envers les autres, et, en priorité, les enfants, les pauvres et les malades, ne faisaient pas de doute.
Toutes les religieuses pouvaient témoigner de son extrême patience dans les diverses formes de souffrances qu’elle eut à subir, de son humilité car elle ne chercha dans le privilège des apparitions aucun motif de vanité : se cacher fut, au contraire, l’obsession de sa vie après 1858. Elle fut toujours respectueusement obéissante. Quant à la pauvreté, Bernadette voulut y demeurer tant qu’elle resta à Lourdes mais elle y excella à Nevers, que ce soit dans ce qui lui était remis ou dans le soin des affaires de la communauté ou même dans l’usage du temps : le temps est un don de Dieu ; perdre du temps, c’est offenser Dieu.
Tandis que l’enquête se poursuivait, interrompue par la guerre de 1914-1918, les visites à Nevers, sur la tombe de Sr Marie-Bernard, se multipliaient ainsi que les demandes de prière et les grâces obtenues. La réputation de sainteté était donc confirmée.
Deux guérisons furent retenues comme miraculeuses avant la béatification qui fut célébrée le dimanche 14 juin 1925 à Saint-Pierre de Rome.
La canonisation suivit, huit ans plus tard, après le constat de deux autres guérisons miraculeuses. L’un des deux bénéficiaires était un évêque qui assista, sans faiblir, à la cérémonie.
Le pape Pie XI avait choisi la date du 8 décembre 1933, année du jubilé de la Rédemption. Ainsi la Rédemption, l’Immaculée Conception et Bernadette, la confidente de l’Immaculée, étaient reliées les unes aux autres.
Par un privilège assez rare, la fête de sainte Bernadette n’est pas fixée au jour de son décès, le 16 avril, mais le 18 février, jour où dans le diocèse de Tarbes et Lourdes on fêtait jusqu’alors sainte Geneviève.