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      Maître Eckhart et son commentaire du Notre Père

Maître Eckhart et son commentaire du Notre Père

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Maître Eckhart a vécu entre 1260 et 1329 – aucune date n’est sure. Il a fait ses études à la Sorbonne et a occupé des responsabilités importantes dans l’ordre des Dominicains en Allemagne.


Maître Eckart est connu pour ses œuvres mystiques. Le 27 mars 1329, en Avignon, des thèses sorties de ses œuvres ont été condamnées par la papauté. En 1992, le chapitre général de l’ordre dominicain adressa au Vatican une demande de réhabilitation. La réponse donnée n’a pas été rendue publique mais elle est connue indirectement par une lettre du maître de l’ordre de l’époque, Timothy Radcliffe : le Vatican estime qu’il n’est pas besoin d’une réhabilitation, seules certaines thèses ayant été condamnées. Eckhart peut donc être considéré comme un théologien catholique « orthodoxe ».

Eckhart a la conviction que si nous nous détachons de nous-même, dans un geste d’humilité profonde, Dieu tout entier entre en nous.

Il a écrit un opuscule sur le Notre père dont s’inspire la méditation qui suit.

Maître Echkart

Aucune de ses œuvres ne parle de lui : prônant l’anéantissement de soi-même il se fut fidèle et ne laissa aucune trace personnelle. On ignore l’année de sa venue au monde. La première date connue le concernant est le 18 avril 1294 : ce jour-là, il prononce un sermon sur la Pâques à Paris. Quelques mois plus tard, il est nommé prieur du couvent des Dominicains d’Erfurt (photo ci-jointe).

En 1302, de retour à Paris, ayant passé avec succès les examens de théologie, il devient Maître Eckhart de Hochheim. On en déduit que cette petite ville proche de Gotha, en Saxe, fut son lieu de naissance.

Très vite, l’ordre le choisit comme provincial de la région de Saxonia, qui comprend une cinquantaine de couvents s’étendant jusqu’en Hollande. C’est à pied qu’il sillonne en tous sens cet immense territoire, se rendant des chapitres généraux provinciaux à la consécration de nouveaux monastères.

De 1311 à 1313, l’université de Paris lui offre le statut exceptionnel qu’avaient connu avant lui Albert le Grand et Thomas d’Aquin, celui de Magister Actu Regens, c’est-à-dire professeur extraordinaire. Quand il revient dans la ville de ses études, le grand maître des Templiers vient d’y être brûlé, maudissant sur son bûcher le roi de France et tous ses descendants, et un mois après lui, en place de Grève, Marguerite Porete, une béguine du Hainaut auteur du Miroir des simples âmes anéanties. L’Église est en effet secouée par la querelle de la pauvreté et du Libre-Esprit. Eckhart, qui a lu le Miroir, est bientôt nommé à Strasbourg comme vicaire général du maître de l’ordre, pour la Teutonia cette fois, et quitte à nouveau Paris. Sa charge est celle de directeur spirituel des Moniales et des béguinages avec pour mission de faire revenir dans le droit chemin ces femmes égarées par les doctrines de Marguerite Porete.

Après les dix ans passés à Strasbourg, il enseigne au très prestigieux Studium Generale de Cologne, fondé par Albert le Grand. Mais très probablement, les réformes qu’il a voulu mettre en œuvre lui ont attiré des ennemis. Des accusations d’hérésie commencent à circuler contre lui. L’ordre prend les devants, le convoque, et le blanchit. Pourtant, l’habile contrefeu ne suffit pas. L’archevêque de Cologne nomme en effet contre lui une commission d’enquête. C’est la première fois qu’un maître en théologie de l’Université de Paris et un responsable aussi élevé de l’ordre des Dominicains est l’objet d’une telle procédure. Convoqué, il entame sa marche la plus longue, jusqu’en Avignon.

Alors que lui-même parle dans ses sermons de « son cher seigneur François », le général des Franciscains, Michel de Césène, témoigne contre lui le 18 septembre 1328 devant la cour pontificale et, dans son appellatio major, dénonce les « honteuses et monstrueuses hérésies » qu’il a répandues en Teutonia. De son côté, Guillaume d’Ockham, ridiculise les « absurdités » de sa doctrine. Eckhart se défend, avouant qu’il s’est peut-être trompé mais niant être un hérétique.

A nouveau, il reprend la route, ayant l’autorisation de repartir sans avoir dû subir le bûcher, et disparaît sans laisser de trace, peut-être sur le chemin du retour, mort on ne sait où, enterré anonymement ou peut-être sa dépouille pieusement protégée dans quelque cloître d’une maison de l’ordre, puis oubliée.

A propos de son enseignement

Il avait poussé très loin une idée ancienne, présente déjà chez Maxime le Confesseur, qu’une union de nature avec Dieu est possible. C’est le détachement (abductio dans ses textes latins, abegescheidenheit dans son vieil allemand) qui peut la permettre. L’homme détaché, pauvre, humble et noble, a réussi à faire le vide en soi, il est sans qualités (eigenschaften), sans ceci ou cela (sunder diz und daz). Quand elle est ainsi réduite à rien, l’âme détachée, qui ne sait rien, qui ne veut rien, qui n’a rien, ne demande rien par la prière mais commande à Dieu qui ne peut qu’entrer en elle, les deux néants s’unifiant alors : « Dans sa bonté, Dieu ne peut pas se retenir de fluer totalement dans l’homme humble, il y est contraint, il ne peut absolument pas faire autrement. L’humilité est la racine de tous les biens. »

Cette image d’un Dieu flux vient du musulman Avicenne, qu’il cite parfois (horrifiés, certains copistes de ses œuvres déguisèrent ce nom en un Vincent inconnu), de même qu’il cite aussi le philosophe juif Maïmonide.

Que l’âme pauvre puisse commander à Dieu, qui ne peut que lui obéir, est de son fait. Il avait cette foi profonde au cœur qu’en marchant sur les routes avec humilité, dans l’oubli de soi le plus pur, la porte s’ouvre devant Dieu qui ne peut qu’entrer. C’est cet enseignement qu’il proposa dans sa chère Université et qui fut repoussé (« J’ai dit à Paris, à l’École, que toutes choses seraient accomplies dans l’homme droitement humble ») avant d’être condamné par la papauté le 27 mars 1329. L’Église voulait en finir avec les dérives des Cathares, des Vaudois, des Turlupins, qui se répandaient chez les gens simples. Les franciscains furent d’ailleurs menacés à leur tour. Il publiait lui-même en vieil allemand autant qu’en latin pour atteindre le cœur de ses contemporains, et l’Église se méfiait de cette démarche.

Des rapprochements ont pu être faits avec le Tao ou le bouddhisme. Le théoricien nazi Alfred Rosenberg chercha à annexer ce grand lecteur de Maïmonide. Heidegger médita beaucoup ses écrits, qui le conduisirent à son étrange mystique païenne de l’Être.

Lui resta fidèle sa vie durant aux enseignements d’Augustin, son maître. Accablé d’affaires administratives et d’obligations de prédication, il passa son existence à marcher, sans doute jour et nuit, dans la neige ou la chaleur de l’été, traversant les forêts, bravant les bêtes sauvages et les brigands, et portant la parole aux couvents des frères et des moniales.

Jamais il n’évoqua une union mystique avec Dieu le concernant. Peut-être, indirectement, a-t-il même parlé de son échec devant une exigence incommensurable : « Jamais encore personne ne s’est renoncé en cette vie qu’il ne puisse trouver à se renoncer davantage. »

Parfois pourtant, un de ses sermons laisse échapper, comme par inadvertance, le souvenir d’une expérience personnelle. « Hier soir, il m’est venu cette pensée : la sublimité de Dieu dépend de mon abaissement. Plus je m’abaisserai et plus Dieu sera élevé. » Ou, alors qu’il cheminait vers la maison des Moniales de Mariengarten à Cologne, une crise soudaine, l’envie de faire demi-tour ou de s’enfuir, qu’il dut écarter : « Sur la route, alors que je venais ici, je pensais que je ne voulais pas venir, parce que l’amour rendrait mes yeux humides. Quand avez-vous pleuré d’amour ? Laissons la question en suspens. D’amour viennent joie et peine. »

Méditation sur le Notre Père inspiré de Maître Eckhart

Maître Eckhart (2005) Commentaire du Notre Père, Paris, Arfuyen.

Nous disons « Père » parce que Dieu ne veut pas être craint, mais aimé comme un père, parce que nous sommes ses enfants, en fraternité avec le Christ, et parce que, malgré nos fautes, nos manques et nos faiblesses, nous sommes appelés à recevoir l’héritage qu’il nous a préparé.

Nous disons « notre Père », et non pas « mon Père », parce que notre prière n’est efficace que quand elle est communion avec nos frères, et pour nous rappeler à cet amour pour nos frères.

« Qui es aux cieux » nous rappelle que c’est vers les cieux, non vers la terre, ses biens et ses jeux de pouvoir, que nous devons nous tourner et diriger nos prières. Cela ne veut pas dire que Dieu est loin, Il est tout proche, tout près de nous et en nous, mais cela nous appelle à nous détacher de la terre et à nous tourner vers ce qui compte réellement.

« Que Ton nom soit sanctifié » : nous souhaitons, par une sanctification continue, qu’un peu de mal disparaisse en nous chaque jour et que nous fassions un peu de bien supplémentaire.

« Que Ton règne vienne » est un cri de confiance : nous devrions craindre le jugement de nos fautes, mais nous espérons le pardon. Nous souhaitons que Tu règnes, en nous et dans le monde.

« Que Ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ». C’est pour toute la terre et pour le monde que nous prions, pour que tous nos frères soient sauvés et rejoignent ceux qui sont déjà dans le ciel, auprès de Toi. Pour que cela advienne, il faut que tout ce qui est fait sur terre le soit en conformité avec Ta volonté.

« Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien ». A nouveau, nous ne prions pas pour nous-mêmes, mais pour tous nos frères. Nous disons « notre » parce que le pain que Tu donnes doit être partagé. Le pain que Tu donnes est donné aux autres par moi, et il m’est donné par les autres. C’est du pain que nous demandons, la nourriture la plus simple, et non pas les richesses. Et le bien le plus simple que nous ayons, nous devons le considérer comme venant de Toi, pour en faire bon usage et le partager. « Quotidien » veut dire que nous n’avons pas besoin d’amasser, de vouloir plus que ce qui nous suffit. « Aujourd’hui », parce que tant que nous sommes ici, sur cette terre, pas encore pleinement auprès de Toi, nous avons besoin de ce pain qui nous vient de Toi, en attendant l’heure où, accueillis par Toi, nous n’aurons plus aucun besoin.

« Pardonne-nous nos offenses ». Chaque jour, nous devons reconnaître que nous T’offensons, par des paroles, des pensées, ou des actions contre nos frères, des paresses. Nous sommes invités à reconnaître ces fautes que nous commettons et à en demander le pardon. Et il est ajouté : « comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». Nous ne pouvons en effet espérer Ton pardon – et nous l’espérons de tout notre cœur – que si nous-mêmes nous savons pardonner, que si nous ne gardons pas rancune à nos frères.

« Et ne nous soumets pas à la tentation ». Nous sommes tentés, chaque jour, comme il est dit qu’Abraham lui-même a été tenté et comme le Christ l’a été. Mais nous Te prions pour que Tu ne permettes pas que nous soyons tentés au-delà de nos forces, pour que nous sachions tenir contre la tentation comme Abraham et le Christ ont su le faire, que nous ne tombions pas en la soumission du mal.

« Mais délivre-nous du mal ». Par la demande précédente, nous espérons échapper au mal futur que représente la tentation. Par cette septième demande, la dernière, nous espérons être délivrés du mal que nous avons déjà commis. « Délivre-nous du mal » a encore un autre sens : délivre-nous des mauvaises demandes, aide-nous à ne pas Te demander toujours quelque chose de trop terrestre.

Ainsi s’achève le Notre Père.

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